HABBLAL Nassima *

HABBLAL Nassima (1928-2013)

Née le 29/04/1928. Employée au Gouvernement Général. Hamma. Enlevée le 21 février 1957 par les parachutistes. Pas de réponse de l’armée en octobre (SLNA).

Nassima Hablal est alors membre de l’UGTA et secrétaire du Comité de coordination et d’exécution (CCE), organe dirigeant du FLN depuis le Congrès de la Soummam (août 1956). Elle a participé à l’organisation de la grève « des 8 jours » à Alger. Après son enlèvement par l’armée française, elle est détenue dans sept locaux différents, dont la Villa Sésini, notamment avec Nelly Forget, et subit à plusieurs reprises la torture (voir ci-dessous). Condamnée à cinq ans de prison en juillet 1957 par un tribunal militaire lors du procès dit des « chrétiens progressistes », elle est ensuite détenue en France. Elle est le personnage principal du film de Nassima Guessoum, 10 949 femmes (2014). Elle est décédée en 2013.

Récit par Nassima Hablal, cité dans Le Quotidien d’Algérie, 15 mai 2013:

« c’était le 21 février 1957. Le CCE est sorti après l’arrestation et l’assassinat de Si Larbi [Ben Mhidi]. Je suis restée dans les centres de torture jusqu’au mois d’avril. J’en ai fait sept. J’ai d’abord fait la caserne des bérets bleus à Hussein Dey. C’est là que le supplice a commencé (soupir). De 11h jusqu’à 6h, j’étais pendue au plafond la tête en bas, l’électricité… les électrodes… les bidons d’eau… toute la panoplie qu’ils avaient en tête. Mes bras étaient paralysés… des nerfs sectionnés… des muscles distendus… tuméfiée… terrifiée… et cette atroce douleur qui tenaillait mon dos. La séance a duré six heures. Ils m’ont massacrée. Ensuite, ils ont commencé à m’interroger. J’ai alors déliré, j’ai raconté des histoires. N’importe quoi. Je n’avais pas parlé de Abane. J’ai en revanche parlé de Amara Rachid que je savais mort au maquis depuis quelques mois déjà. Nous étions deux ou trois femmes. Et parmi nous une petite française qui était l’épouse de Mourad Castel. Toute la nuit, à côté, j’ai entendu torturer des hommes. Le lendemain matin, ils m’ont emmenée en voiture. Ils ont essayé la méthode douce en disant : « Si tu parles nous allons t’envoyer en Espagne et personne ne saura que tu as dit quelque chose. » Au retour de « la balade en voiture », j’ai vu un spectacle hallucinant. Sur le sol mouillé étaient allongés une dizaine d’hommes qui, toute la nuit, avaient subi le supplice de la baignoire et de l’électricité, et que des tortionnaires brûlaient au fer rouge. J’ai poussé un hurlement. Cela se passait dans une ferme à Bakallem. Parce qu’entre-temps on m’a transférée de la caserne vers une ferme poétiquement baptisée Ferme des orangers. J’y ai passé deux ou trois nuits et puis de nouveau transférée, vers El Biar cette fois. Là ou était Ben M’hidi. J’y ai rencontré Me Mahieddine Djender ainsi que son beau-frère, Ousmer, un policier qui avait été arrêté. Curieusement, ils ne m’ont pas interrogée sur Abane [Ramdane). Ils m’ont plutôt cuisinée sur Ben Khedda. « Où l’as-tu vu pour la dernière fois ? », me harcelaient-ils. « Tu ne connais pas un certain Ben M’hidi, collecteur de fonds ? ». J’étais à cent lieues de penser qu’il s’agissait de Si Larbi. Il y avait Massu et Bigeard. « C’est pas du travail ce qu’ils t’ont fait là. Ils t’ont laissé des traces. Nous, nous avons d’autres moyens. Les Russes l’ont fait, les Américains aussi, pourquoi ne le ferait-on pas ? » Il fallait comprendre qu’ils allaient m’injecter du sérum de vérité. Me piquer au Penthotal. A El Biar, je suis restée deux ou trois jours, puis ils m’ont emmenée à la Villa Susini. Pour l’anecdote, lorsque j’étais petite, en passant devant cette magnifique bâtisse qui domine Alger, bâtisse aujourd’hui sinistre parmi les plus sinistres, s’il en est, je rêvais et me voyais dans cette maison comme une princesse dans un palais. Triste princesse, effroyable palais ! Lorsque on m’a enlevé le bandeau qui masquait mes yeux à mon arrivée je découvrais Feldmayer, le tortionnaire de service. Une espèce de singe géant avec des mains énormes. On m’a allongée dans une pièce, je ne savais pas où je me trouvais. Puis est entré le capitaine Folques [ Faulques], le maître de cérémonie, le grand patron. Il a défait mon bandeau et m’a dit : « Oh tu as un grand nez », voulant peut-être me complexer. Le pauvre, il ne savait pas combien j’étais fière de mon nez chérifien. Je trouvais dans cette cave une femme qui venait de passer par une séance, elle hoquetait. Ils venaient probablement de lui faire avaler de l’eau. C’était Denise Valbert [Walbert], une française de gauche, professeur à l’université. […] Il y avait également Basta Ali, que je n’ai pas vu mais que j’entendais répéter « Basta ! je m’appelle Ali Basta ! » ainsi pendant deux ou trois jours. J’y ai aussi reconnu Handjeritt, un membre du réseau de Sidi M’hamed et beaucoup d’autres, comme Salima Belhaffaf, l’épouse de Ben Khedda, il y a eu Nelly Forget, une Française de gauche qui travaillait avec nous, il y avait aussi Fatima Benosmane. On m’avait entravée avec des menottes, mais malgré cela, il y avait un soldat armé qui me surveillait. Je dépérissais et étais considérablement amaigrie. Un matin vers 6h, je remarquais que le soldat qui assurait ma garde ne portait pas d’arme. C’était un nouveau. Je lui ai demandé la permission de me rendre aux toilettes. Il ne connaissait pas où elles se trouvaient. Alors je l’ai fait sortir dans le jardin. J’ai été derrière un fourré et me suis dissimulée. Lorsque j’ai baissé les mains les menottes ont glissé de mes poignets. D’où l’idée de m’évader. Alors je me retourne et je me jette du haut de l’espèce de ravin situé en bas de la villa mais comme il y avait des fils de fer barbelés, ils ont amorti ma chute et m’ont empêchée d’aller plus loin. J’ai été reprise. »

Abréviations des principales sources utilisées :/p>

SLNA : « Fiches de renseignement » du Service des Liaisons Nord-Africaines : « Personnes arrêtées, demandes de recherche transmises au commandement militaire », ANOM, 91/ 4 I 62.

Liste SLNA : mention sur une liste de rappels adressée à l’armée par le SLNA en octobre 1957, la fiche de renseignement correspondant n’étant pas archivée). ANOM, 91/ 4 I 62

CV : Jacques Vergès, Michel Zavrian, Maurice Courrégé, Les disparus, le cahier vert, Lausanne, La Cité, 1959.

Archives Teitgen : Archives confiées par Paul Teitgen à Georgette Elgey, Archives Nationales, 561AP/41.

SHD : divers fonds du Service Historique des Armées, GR 1 H

CS : archives des deux commissions de Sauvegarde des droits et libertés individuels (1957-1962), Archives Nationales, F/60/3124-F/60/3231.

Presse algérienne (1962-1963) : documents fournis par Malika Rahal.

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