TAZIR Mohamed *

TAZIR Mohamed ben Mokhtar

Né le 25/09/1898. 50 Bd Cervantès. Commerçant. Enlevé le 1er mai 1957 à 2 heures du matin, par les bérets rouges. Vu quelques jours plus tard au Stade municipal (lieu de détention). Démarches auprès de : Robert Lacoste, colonel Crozafon, général Massu, Suzanne Massu. Réponse du général Massu, le 11 avril 1958 : « Cette réponse est négative car l’intéressé n’est pas fiché dans les Archives du secteur Alger-Sahel. [L’enquête] est demeurée sans résultat. D’autre part son nom ne figure pas au fichier de la préfecture » [ ce qui est faux, voir ci-dessous la fiche de la préfecture d’Alger qui a bien été envoyée au général Massu dès la mi-mai 1957]. Pas de réponse de l’armée en octobre 1957, nouvelles recherches en mars et septembre 1958. Toujours recherché en août 1959 (SLNA, CV).

Disparu. Lire ci-dessous le témoignage de son petit-fils qui nous a également confié la photographie de son grand-père.

Tazir Mohamed ben Mokhtar

A l’époque, notre famille habitait la partie indigène du quartier de Belcourt (aujourd’hui Belouizdad), au n° 50 du Bd Cervantes. Le 30 avril a été le dernier jour du Ramadhan de cette année 1957 et nous nous apprêtions à accueillir le lendemain l’Aïd El Seghir , je ne dis pas fêter car le coeur n’y était pas, la ville étant en état de siège avec un couvre feu strict. Les rafles et les arrestations étaient pratiquement quotidiennes .Ce jour là à 2 h du matin, nous fument réveillés par un fracas énorme : la porte d’entrée en bois de notre maison venait d’être fracassée par les paras bérets rouges qui se sont engouffrés immédiatement chez nous en envahissant les 3 pièces que nous occupions avec mes grands parents et mes parents ainsi que mes quatre frères et soeur, j’étais l’aîné. Je venais d’avoir 12ans.

Dans une ambiance de cris et de pleurs de mes jeunes frères et de ma mère, les chambres furent mises sens dessus dessous, le contenu des armoires étalé par terre. Mon père qu’ils recherchaient et dont ils n’avaient pas le nom exact était absent cette nuit là. Mon grand père, interrogé avec rudesse me tenait la main pour me rassurer en leur montrant le carnet de famille pour essayer, dans un français approximatif, de leur expliquer que notre nom de notre famille ne correspondait pas à celui de la personne qu’ils recherchaient.

Après avoir bien fouillé les coins et recoins de la maison, celui qui paraissait être le chef ordonna à mon grand père, qui était en gandoura, de s’habiller et lui intima l’ordre : « tu viens avec nous ».

Quand ils sortirent de la maison, en regardant par la fenêtre nous vîmes deux jeeps. A l’arrière de l’une d’elle était assis un prisonnier cagoulé et attaché. On fit monter mon grand père à l’arrière de la deuxième jeep puis démarrèrent en trombe pour disparaître en direction de la forêt des arcades.

Mon père, qui était postier, fut arrête quelques jours plus tard à Ain Bessem à l’est d’Alger. Il y avait été muté par mesure disciplinaire après la grève des huit jours. Le fait d’avoir été arrêté par les agents civils de la DST en dehors d’Alger lui a probablement sauvé la vie.

Depuis nous n’avons plus revu mon grand père malgré toutes les démarches et les écrits adressés aux autorités civiles et militaires. Ma grand-mère, accompagnée par moi ou mon frère cadet nous avons parcouru presque tous les centres de détention de l’algérois pour essayer de retrouver notregrand père.

De bouche à oreille, au cours de l’année 1958, nous avons appris que des avocats installés à l’hôtel Aletti recevaient les familles de disparus. Je m’y suis rendu avec ma grand-mère. Nous fûmes reçu par Me Zavrian à qui j’ai raconté notre histoire et à qui j’ai remis les courriers réponses que nous avion reçu suite à nos écrits (Colonel Crozafon, Gle Massu, madame Massu, Robert Lacoste, etc…). Des fac-similés de ces lettres ont été publiés dans un numéro de l’Express ou de France Observateur, je ne m’en souviens plus très bien. Le journal était imprimé en ce temps là sur du papier pelure. On retrouvera à la page 51 le cas de mon grand père dans la liste publiée dans « le cahier vert des disparus » par Me Jacques Vergès, Michel Zavrian et Maurice Courrègé.

Mohamed Tazir, petit-fils de Tazir Mohamed ben Mokhtar, reçu par 1000autres.org le 19/09/2018

Abréviations des principales sources utilisées :/p>

SLNA : « Fiches de renseignement » du Service des Liaisons Nord-Africaines : « Personnes arrêtées, demandes de recherche transmises au commandement militaire », ANOM, 91/ 4 I 62.

Liste SLNA : mention sur une liste de rappels adressée à l’armée par le SLNA en octobre 1957, la fiche de renseignement correspondant n’étant pas archivée). ANOM, 91/ 4 I 62

CV : Jacques Vergès, Michel Zavrian, Maurice Courrégé, Les disparus, le cahier vert, Lausanne, La Cité, 1959.

Archives Teitgen : Archives confiées par Paul Teitgen à Georgette Elgey, Archives Nationales, 561AP/41.

SHD : divers fonds du Service Historique des Armées, GR 1 H

CS : archives des deux commissions de Sauvegarde des droits et libertés individuels (1957-1962), Archives Nationales, F/60/3124-F/60/3231.

Presse algérienne (1962-1963) : documents fournis par Malika Rahal.

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