SEBAOUNE Ali *

SEBAOUNE Ali

Né le 09/03/1911. Ouvrier cimentier. Fort De L’Eau. Enlevé le 18 mars 1957 par des aviateurs (sic). Détenu jusqu’au 21 mai à Maison Blanche. Pas de réponse de l’armée en octobre. (SLNA)

Disparu, selon le témoignage de son fils, reçu le 05/02/2019, qui nous a communiqué sa photo :

« Moi, Sebaoune Mohamed  de Bordj El Kiffan, témoigne ici sur la période de l’enlèvement et disparition de mon père SEBAOUNE Ali, né le 09.03 1911 à Bordj Menail, ouvrier cimentier, demeurant à l’époque à la tribu SIDI MHAMED Bordj El Kiffan, ex FORT DE L’EAU.

Enlevé le 18.03.1957 par les aviateurs de la Base Aérienne 149 de Maison Blanche, Dar El Beida actuellement, de son lieu de travail, la cimenterie Bernard, Maison Carrée El Harrach, face à la gare SNCF.

 Après plusieurs jours de recherches dans les multiples camps de détention, on a été informés de la présence de mon père dans le camp de détention de Oued Smar, mitoyen à l’aéroport d’Alger le 01.04.1957.

Le 02.04.1957, je me suis présenté à ce camp, où j’ai été reçu par l’Adjudant-Chef BIRE qui m’a conduit dans local où j’ai retrouvé mon père, pied nu, habillé en bleu de travail. 

Du 02.04.1957 au 21.05.1957,  je rendais visite à mon père tous les  deux jours avec un panier d’aliments que je remettais à l’Adjudant-Chef BIRE.

Le 21.05.1957 l’Adjudant-Chef, après m’avoir fait visiter les geôles de détention où il n’ avait plus personne, m’a battu et jeté hors du camp en me disant que mon père n’était plus à ces lieux .

En juin 1957, j’ai écrit à Mlle SID CARA[1], présidente de la commission de sauvegarde, pour qu’elle recherche mon père enlevé le 18.03.1957 et disparu au début de mois de Juillet 1957. J’ai été reçu par le secrétaire général de la préfecture d’Alger qui m’a délivré une attestation de disparition de mon père, que nous avons remise à la sécurité sociale (CASORAL).

 Le 18 .05.1957, alors que j’avais 14 ans, étant  né en mars 1943 , l’adjudant BIRE m’a rendu le panier d’aliments que j’avais porté à mon père, après l’avoir vidé, où il a mis  un paquet enveloppé dans du journal.  En cours de route pour retourner chez moi, ma curiosité m’a poussé à ouvrir le paquet dans lequel j’ai trouvé LA CHEMISE DE MON PERE pleine de sang. Ne voulant pas que ma mère voit cette chemise, j’ai enterré  cette chemise ensanglantée sur le bord de la route où il y avait un vignoble et où se trouve actuellement le tunnel de la route entre Oued Smar et Dar El Beida. De par la présence  de cette chemise ensanglantée, j’ai conclu que je ne reverrais plus mon père vivant.

 Depuis cette date à chaque fois que je passe à cet endroit je m’arrête pour méditer et prier sur l’âme de mon père dont j’ai enterré la chemise ensanglantée.

Du 18.03.1957 au 21.05.1957 mon père, enlevé par les aviateurs, a été détenu au camp de Oued Smar de base aérienne 149, commandé à l’époque par le colonel LEBEVNEK.

 Mon père a été enlevé avec 4 personnes Mr NAZEF, son fils et beau-fils et BACHIR EL KABAILI à la même date et internés au même endroit et disparus à la même date.

Durant mes visites à ce camp j’ai, aperçu le nommé JOSE VILLE, fils d’un colon (fermier) à Bordj El Kiffan, en tenue militaire. Lors d’un déplacement professionnel au port d’Arzew dans les années 90, j’ai retrouvé JOSE VILLE qui était plongeur à ce port et qui m’a déclaré qu’il y avait  dix (10) détenus qui, après plusieurs jours de torture, ont été assassinés par l’Adjudant-Chef BIRE et ses hommes, à cette époque. JOSE VILLE, militaire aviateur, était détenu pour purger un sanction disciplinaire dans ce camp.

Nous demandons aux autorités françaises  » PAYS DE DECLARATION DES DROITS DE L’HOMME » de nous indiquer l’endroit où a été enterré notre père SEBAOUNE ALI, assassiné avec ses codétenus par l’Adjudant- Chef BIRE est ses hommes .

A la disposition de toute personne qui pourrait nous aider à retrouver trace de l’endroit où a été enterré notre père et nous rendre justice et faire notre deuil suite à la disparition de notre père depuis 21.05.1957.

[Témoignage actualisé le 24/02/2019]

[1] Nafissa Sid Cara était la soeur de Chérif Sid Cara, secrétaire  d'État  à l'Algérie   dans  les  derniers  gouvernements  de  la IVe République (1957-1958). Elle fut élue députée d'Alger en 1958.

 

Abréviations des principales sources utilisées :/p>

SLNA : « Fiches de renseignement » du Service des Liaisons Nord-Africaines : « Personnes arrêtées, demandes de recherche transmises au commandement militaire », ANOM, 91/ 4 I 62.

Liste SLNA : mention sur une liste de rappels adressée à l’armée par le SLNA en octobre 1957, la fiche de renseignement correspondant n’étant pas archivée). ANOM, 91/ 4 I 62

CV : Jacques Vergès, Michel Zavrian, Maurice Courrégé, Les disparus, le cahier vert, Lausanne, La Cité, 1959.

Archives Teitgen : Archives confiées par Paul Teitgen à Georgette Elgey, Archives Nationales, 561AP/41.

SHD : divers fonds du Service Historique des Armées, GR 1 H

CS : archives des deux commissions de Sauvegarde des droits et libertés individuels (1957-1962), Archives Nationales, F/60/3124-F/60/3231.

Presse algérienne (1962-1963) : documents fournis par Malika Rahal.

2 commentaires

  1. Abbaci Répondre

    Cette histoire m’a vraiment bouleversée. J’ai les larmes au yeux et je tiens profondément à rendre un vibrant hommage à cette famille Sebaoune, martyre, très connue a bordjelkiffan. Allah yarham echouhada.

  2. Aoues Répondre

    Je suis désolé que le site des enlevés par l’armée française. Ceci est connu de tous. Mais il y’a les enlevés par le FLN-ALN. Mon père en est un. Par convenances ou/et par traitrise intellectuelle personne parmi les historiens et hommes politiques n’ose approcher cette question par peur d’être traité de pro-colonial ou/et défendant le colonialisme. Je suis algérien, vivant en Algérie, je ne défends pas le colonialisme et,bien que francophone je ne suis nullement francophile.

    Par intégrité et honnêteté intellectuelle il aurait fallu, de votre part, traiter de la question des disparus du fait d’enlèvements de la part du FLN-ALN d’algériens indigènes, paysans, ouvriers, pauvres sur simples dénonciation malhonnête.

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