SALEM Henri dit ALLEG

SALEM Henri, dit ALLEG Henri

­Victime de disparition forcée durant ce qui est appelé la bataille d’Alger, il a survécu.

Dans leurs recherches, ses proches —vraisemblablement son épouse Gilberte— se sont adressés à la préfecture d’Alger. Une fiche du Service des liaisons nord-africaines indique qu’il est le directeur du journal Alger Républicain, dont le siège est au 9 boulevard Lafferière, et qu’il a été enlevé le mercredi 12 juin en fin d’après-midi par le lieutenant Charbonnier. La fiche indique qu’en cas de découverte, il convient de prévenir son épouse, Gilberte Salem, au 11 rue Charles Péguy, à Alger.

Membre du Parti communiste algérien (PCA), Henri Alleg (1921-2013) était progressivement entré en clandestinité après que le journal qu’il dirigeait, Alger républicain, a été interdit en septembre 1955. Dans ses mémoires, il raconte qu’il quitte son domicile, à La Redoute (auj. Mouradia) pour dormir à l’imprimerie désormais abandonnée du journal, rue Koechlin, à Bab el-Oued. Lorsqu’une bombe posée par des « ultras » pro-Algérie française fait exploser la porte et le hall du siège, le 17 juillet 1956, il loge chez des amis ou des militants dans différents quarters notamment El Biar ou Bab el-Oued. La répression s’accroît et il écrit: « La vie traquée des clandestins devenait chaque jour de plus en plus compliquée et tendue. En particulier pour des militants qui, comme moi, avaient été des hommes publics qu’on avait vus et dont les photos publiées dans le journal, avaient fait connaître le visage et la silhouette ». La crainte de la dénonciation, notamment par les commerçants du quartier, est omniprésente. Son épouse, Gilberte Salem, elle, a quitté le domicile pour s’installer rue Charles Péguy, en plein centre-ville.

Il est enlevé le 12 juin 1957 par les parachutistes au domicile de Maurice Audin, à la cité HBM de la rue Flaubert, au Champ-de-Manoeuvre, à Alger. Il est détenu durant un mois dans l’immeuble occupé par les parachutistes à El Biar. Il est  plusieurs fois torturé, notamment par le lieutenant André Charbonnier, et subi les supplices de l’eau, de l’électricité, du feu et des injections de penthotal (le « sérum de vérité »). Il croise brièvement Maurice Audin. Il est conduit par le capitaine Roger Faulques (béret vert) au camp de Lodi où il retrouve nombre de militants communistes et syndicalistes, parmi lesquels des collègues d’Alger républicain, Paul Amar, Jean-Pierre Saïd, Vincent Ivorra ou Rolland Rhaïs. Dans le camp, il décrit une atmosphère fraternelle, mais aussi, la crainte de la violence et de la répression. Il écrit : « Des menaces plus directes pesaient sur les militants dont les policiers ignoraient les responsabilités et l’activité clandestine au moment de leur arrestation. Il suffisait qu’une piste s’ouvre jusqu’à eux ou qu’un soupçon naisse les concernant pour que les paras se présentent au camp et les en extraient aux fins d’interrogatoire. L’un de nos camarades, Marcel Lequément, un des secrétaires du syndicat des cheminots d’Alger, enlevé puis ramené sous escorte, avait raconté les heures d’enfer passées entre leurs mains ». Durant son séjour à Lodi, il apprend que son épouse Gilberte, qui n’avait cessé d’alerter et de travailler avec des avocats à sa libération, avait été expulsée d’Algérie vers la France. Elle avait alerté les réprésentants de différents cultes (notamment Mgr Duval, d’archevêque d’Alger), des membres de la Commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles, des journalistes, le procureur général de la République à Alger, et avait fait la tourné des lieux de détention connus d’Alger. Elle rencontre même le colonel Trinquier, qui semble lui confirmer qu’Henri Alleg est vivant. Après son expulsion, elle poursuit et amplifie la campagne à Paris auprès de militants communistes et de journalistes de Libération, L’Humanité, La Vie ouvrière, Le Monde, L’Express, France-Observateur et Témoignage chrétien.

Depuis le camp de Lodi, Henri Alleg rédige une plainte pour séquestration, transmise en plusieurs exemplaires par les épouses d’autres prisonniers et qui sera publiée par L’Humanité et Libération. Il obtient le transfer à Alger, et le passage devant la justice, ce qui le met à l’abri du danger d’être liquidé. Il est alors détenu à la prison Barberousse à Alger (et brièvement à Maison-Carrée), et condamné à 10 ans de prison. Il rédige durant sa détention l’ouvrage La Question qui paraît en 1958.

Sources concernant Henri Alleg:

– Fiche de renseignement du Service des liaisons nord-africaines (SLNA), Archives Nationales d’Outre-Mer (ANOM / Aix-en-Provence, France).

– Alleg, Henri, La Question, éditions de Minuit, Paris, 1958.

– Alleg, Henri, Mémoire algérienne, Stock, Paris, 2005.

Fiche de recherche Alleg (SLNA)« Personnes arrêtées, demandes de recherche transmises au commandement militaire », ANOM, 91/ 4 I 62.

Lettre au Garde des Sceaux du 5 juillet 1957 de Gilberte Salem, épouse d’Henri Salem dit Alleg. Archives de l’EHESS, fonds Pierre Vidal-Naquet, PVN 34.

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