BEN NACEUR Arezki dit Tewfik

Portrait en noir et blanc de trois quarts face de Arezki Ben Naceur, dit Tewfik (archives de la famille Amrane)

Victime de disparition forcée durant ce qui est appelé la bataille d’Alger. Il n’a pas survécu.

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Portrait en noir et blanc de trois quarts face de Arezki Ben Naceur, dit Tewfik (archives de la famille Amrane)
Portrait de Arezki Ben Naceur, dit Tewfik (archives de la famille Amrane)

D’après l’ouvrage dirigé par Henri Alleg, Areksi Ben Naceur est militant du FLN à Alger : il est notamment responsable de l’intégration dans le FLN des militants communistes. Il est également vendeur de légumes, oeufs et poules rue Saint-Augustin (Casbah). Il vit dans un petit immeuble de la rue Dupetit-Thouars (Casbah). Il est enlevée durant la « grève des huit jours », au début du mois de février. Il est d’abord envoyé dans un camp, avant que les militaires ne découvrent chez lui une cache contenant des documents qui rélèvent son importance dans l’organisation.

Après avoir été elle-même prise ultérieurement, Danièle-Djamila Amrane Minne (citée dans l’ouvrage) apprend, alors qu’elle est elle-même interrogée d’un inspecteur de la DST puis du capitaine Faulques que Tewfik n’a jamais parlé sous la torture. Selon les renseignements de l’ouvrage, « Des gens verront Tewfik à Fort-l’Empereur. Il y fut torturé pendant deux mois.

La militante Danièle Djamila Amrane Minne décrit un homme charismatique, qui lisait beaucoup et s’intéressait particulièrement aux situations révolutionnaires dans le reste du monde. Elle même avait vécu chez lui durant plusieurs mois, à partir de novembre 1956, alors qu’elle était recherchée et avant de monter au maquis.

 

Sources concernant Tewfik Ben Naceur :
– Transcription de l’entretien réalisé par Henri Alleg avec Danièle-Djamila Amrane Minne, le 24 février 1980, fournit par Amina Amrane.

– Henri Alleg (dir.), La Guerre d’Algérie (t. 2). Des promesses de paix à la guerre ouverte, Temps actuels, Paris, 1981, p. 483-485.

– Texte manuscrit de Danièle-Djamila Amrane Minne, non daté, portant sur Tewfik, archives de la famille Amrane.

– Ouvrage de Benyoucef Ben Khedda, Alger, capitale de la résistance 1956-1957, Editions Houma, Alger, 2002.

– Communication personnelle de Malika Rahal avec Amina Amrane (fille de Djamila Amrane), Aubervilliers, 22 juillet 2025.

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Source : Transcription de l’entretien réalisé par Henri Alleg avec Danièle-Djamila Amrane Minne, le 24 février 1980, fournit par Amina Amrane.

« DM [Danièle-Djamila Amrane Minne]: Arezki Bennaceur c’était un très ancien militant. Je ne peux pas te dire de quelle tendance. Il dut être au PPA et c’était un autodidacte. Il avait énormément de bouquins et il était arrivé à être quelqu’un de très cultivé. C’était un marchand de légumes, il avait un petit magasin de légumees. Et je pense qu’à l’époque où j’ai été chez lui, il avait de grandes responsabilités. Alors j’ai été chez lui parce qu’il était chargé des liaisons entre le PCA et le FLN. C’est lui qui était chargé, je crois, de l’intégration des combattants de la libération [du PCA]. Et mon père Djillali Guerroudj [Abdelkader Guerroudj], ma mère [Jacqueline Guerroudj], faisaient partie de ces combattants de la libération. Je crois que c’est Djillali qui en était responsable et travaillait avec Arezki Bennaceur. Quand j’ai été recherchée, ils m’ont amenée chez Arezki en lui demandant de m’héberger et, si possible, de me faire monter au maquis. Je suis restée donc chez Arezki. J’ai dû être recherchée vers le mois de novembre […] rue Dupetit-Thouars. C’était un petit immeuble […].

En plus de cette activité, il avait certainement une très grande responsabilité dans la zone autonome d’Alger. Il avait des contacts par exemple avec Larbi Ben M’hidi dont il nous parlait et pour lequel il éprouvait beaucoup d’admiration. Je ne peux pas dire exactement quelles étaient ses activités parce qu’à l’époque, on n’en parlait pas. Mais il était chargé de superviser les activités des groupes terroristes et en particulier d’éviter qu’il y ait des attentats sur des personnes qui n’auraient pas dû être touchées. Parce que je l’avais aidé à faire ses papiers, c’est pour ça que là je peux être plus précise. Les groupes, je ne sais pas si c’est tous les groupes d’Alger ou un certain nombre, mais comme il y en avait beaucoup, il me semble qu’il devait superviser l’ensemble des groupes de la ville d’Alger […].

Arezki devait avoir des responsabilités très importantes et il avait beaucoup de documents à la maison. Je ne sais pas lesquels puisque je n’y avais pas accès mais il avait énormément de documents et c’est comme ça, lorsqu’ils ont trouvé tous les documents, qu’ils se sont rendu compte… ils le connaissaient, ils savaient cela mais ils ne savaient pas qui c’était. Et il a été torturé jusqu’à la mort sans rien dire et c’est eux qui me l’ont dit quand j’ai été arrêtée. Ils m’ont dit qu’il n’avait absolument rien dit […]. Ils m’ont dit : on l’a torturé, il avait une croix sur la bouche. Il n’a rien dit. »

Texte de Djamila Amrane sur Tewfik

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Source : Texte manuscrit de Danièle-Djamila Amrane Minne, non daté, portant sur Tewfik, archives de la famille Amrane.

« Recherchée le 11 novembre 1956, j’ai été prise en charge par Moh Arezki Bennaceur, dont le nom de guerre était Tewfik. Pendant 2 mois 1/2 j’ai vécu, cachée, chez lui rue Depetit Thouars.

Tewfik était alors un des responsables de la Zone autonome d’Alger. Son nom de guerre Tewfik était connu des forces de répression et il était activement recherché. Mais les services de police ne soupçonnaient pas que sous l’apparence paisible du marchand de légumes, Moh Arezki Bennaceur, se cachait ce Tewfik dont le nom revenait si souvent lorsqu’ils torturaient les fidayines arrêtés.

Autodidacte, Tewfik était très cultivé. Il y avait beaucoup de livres dans son appartement, surtout d’histoire et de psychologie.

Il vivait dans cet appartement avec ses deux frères Ali et Reda, tous deux étudiants. Parfois venaient ses cousins Si Moh Abdelaziz, Madjid Bennaceur, Abderrahmane Benhamida qui tous militaient sous ses ordres.

Pour nous qui étions lycéens ou étudiants (mis à part Si Moh Abdelaziz qui était plus âgé) Tewfik était un admirable enseignant. Les soirées étaient consacrées à de longues discussions qu’il animait avec brio. J’y ai appris l’histoire du nationalisme algérien et approfondi mes connaissances sur l’histoire de notre pays. J’ai découvert la vie artistique algérienne si vivace malgré les efforts du colonialisme pour l’étouffer. Reda, le jeune frère de Tewfik, avait des dons de peintre et avait été, je crois, élève du miniaturiste Mohamed Racim. Il a perdu la raison à la suite de son arrestation et surtout, la mort de ses deux frères Tewfik et Ali. Il est mort il y a quelques années, sans avoir jamais pu guérir, après une vie brisée par la guerre.

Tewfik m’avait obligée à reprendre mes études et, alors que le moindre déplacement était dangereux, il m’avait ramené des livres de classe y compris un gros dictionnaire de latin que sa famille a retrouvé et m’a rendu après l’indépendance.

Dire ce que Tewfik faisait exactement m’est impossible, la clandestinité imposait des règles très strictes de secret. Mais il est certain qu’il avait de grandes responsabilités. Il était en contact avec Ben M’hidi dont il nous avait parlé avec beaucoup d’admiration lorsque nous avons appris son arrestation le 23 février 57.

De plus une partie des archives de la Zone autonome d’Alger était cachées dans une cache aménagée dans la cheminée. Les groupes de fidayine devaient fournir tous les renseignements concernant les actions qu’ils voulaient mener. Les renseignements étaient vérifiés par Tewfik qui donnait ensuite son avis et lorsque l’attentat était exécuté les conditions dans lesquelles il s’était déroulé étaient notées. Il supervisait ainsi plusieurs cellules.

Quelques jours avant la grève des 8 jours, qui a eu lieu du 28 février au 4 mars , nous avons quitté l’appartement par mesure de sécurité.

Je ne sais pas où sont partis Ali et Reda. Tewfik m’a confiée à ses voisins, la famille Okba. Lui-même est allé chez un jeune ouvrier Mustapha qui habitait avec sa femme en haut de la Casbah. Lorsque les paras ont emmené de force tous les travailleurs en grève, ils ont pénétré dans cet appartement et arrêté Mustapha ainsi que Tewfik sans savoir qui il était. Ils ont alors fait une perquisition dans l’appartement rue Dupetit Thouars, ils ont tout cassé sans rien trouver. Mais quelques jours plus tard ils sont revenus avec le maçon qui avait fait la cache. Malheureusement les papiers étaient encore là et les paras ont découvert que Moh Arezki Bennaceur qu’ils détenaient était le Tewfik qu’ils recherchaient depuis des mois. Il a été sauvagement torturé pendant peut-être deux mois. c’est au maquis que j’ai appris sa mort, deux ou trois lignes dans un quotidien d’Alger « le terroriste, Moh Arezki Bennaceur, qui tentait de s’enfuir a été abattu… » Plus tard, lorsque j’ai été arrêtée, le policier Reudonné et le parachutiste Faulques m’ont dit, parlant de Tewfiq, « il avait une croix sur la bouche ». Il est mort sous les tortures sans avoir parlé. Son frère Ali a aussi été tué. »

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Source : L’organigramme de la Zone autonome d’Alger proposé dans son ouvrage par Benyoucef Ben Khedda. 

L'organigramme de la Zone autonome d'Alger fournit par Benyoucef Benkhedda montre que Tewfik était le responsable de la "Cellule d'intégration des ex-"combattants de la liberté" (PCA). La cellule dépend de la branche militaire de la ZAA, dirigée par Yacef Saadi. Elle même dépend des membres du Comité de coordination et d'exécution du FLN (Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi et Benyoucef Ben Khedda).
L’organigramme de la Zone autonome d’Alger fournit par Benyoucef Benkhedda montre que Tewfik était le responsable de la « Cellule d’intégration des ex-« combattants de la liberté » (PCA). La cellule dépend de la branche militaire de la ZAA, dirigée par Yacef Saadi. Elle-même dépend des membres du Comité de coordination et d’exécution du FLN (Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi et Benyoucef Ben Khedda).